Responsable de l’AFP en Corse
L’Agence France-Presse (AFP) est une agence de presse mondiale fournissant une information rapide, vérifiée et complète en vidéo, texte, photo, multimédia et infographie sur les événements qui font l’actualité internationale. Des guerres et conflits à la politique, au sport, au spectacle jusqu’aux grands développements en matière de santé, de sciences ou de technologie. Pierre Lanfranchi en est son digne représentant pour la Corse. Rencontre.
Pouvez-vous vous présenter ?
Pierre Lanfranchi, 61 ans. Je suis rédacteur en chef de l’Agence-France-Presse (AFP) et correspondant en Corse depuis cinq ans. Je suis fou de montagne, de moto, de courses à pied et je suis père de trois grands enfants.
Quel est votre parcours à l’AFP ?
J’y suis entré en 1979. J’ai réalisé un parcours professionnel très riche et diversifié comme correspondant, grand reporter et directeur de bureaux à l’étranger dont le Soudan, l’Europe du Nord, l’URSS, les USA, la Turquie, la Chine, la Tunisie…J’ai également travaillé en province et au siège parisien.
Quelle est votre formation ?
Je suis maître en droit public de l’Université d’Aix-en-Provence et diplômé de sciences politiques, de criminologie et du Centre de formation des journalistes (CFJ) de la rue du Louvre, à Paris.
La Corse c’est…
Une appartenance, une relation étroite et intime avec la terre, les pierres, la nature. Une complicité rare, empreinte de respect mutuel et de partage avec des compatriotes. C’est ici que je jouis du véritable luxe. Celui qu’offre encore, malgré les menaces, l’espace et la lumière, le silence, la légèreté de l’air et des parfums. Les milliers de personnes qui viennent pendant la saison estivale doivent apprendre à être plus soucieuses de son peuple, de son histoire, de sa culture et de ses valeurs qui sont très riches.
Quel est votre rôle en Corse ?
Le correspondant de l’AFP raconte la Corse au reste du monde. Il traite de ses aspects politiques, économiques, sociaux, des faits divers, de la culture, du sport… Il a pour mission de la raconter de la manière la plus complète, honnête et rigoureuse possible.Je suis un «grossiste » qui fournit des articles, des photos, des vidéos et des infographies aux abonnés de l’agence AFP. Ses abonnés les utilisent comme ils le souhaitent. Je suis aussi un généraliste passant d’un sujet à l’autre, selon l’intérêt, de la même manière qu’un correspondant aux Etats-Unis, au Sénégal ou en Normandie. Le principe est qu’un media ne peut pas avoir en permanence des correspondants ou des envoyés spéciaux en tous points du globe.
La couverture de l’information en Corse est-elle particulière ?
La « couverture » de la Corse n’est ni plus ni moins difficile ou délicate qu’ailleurs si l’on respecte strictement les règles professionnelles et que l’on fournit le travail nécessaire à la recherche, la vérification et le traitement de l’information. Même si l’expression selon laquelle « tout le monde se connaît dans l’île » est de moins en moins exacte, il convient de se montrer un peu plus qu’ailleurs, très rigoureux. Le lecteur, l’auditeur et le téléspectateur insulaire demeurent pointilleux et exigeants sur le contenu de l’information. Et c’est une très bonne chose !
Quels sont les sujets traités qui vous laissent un bon souvenir ?
Je garde un bon souvenir professionnel de deux couvertures, parmi bien d’autres. Il s’agit, sans prendre parti, de la victoire de Gilles Simeoni aux élections municipales à Bastia en 2014. Ce fut une campagne haletante et passionnante qui marqua l’histoire de la ville et de la Corse.
Le second est celui du sauvetage miraculeux des six occupants d’un avion de tourisme abîmé dans les eaux démontées du golfe de Porto en octobre 2009. Au terme d’une après-midi de recherches, il n’y avait pratiquement plus aucun espoir de les retrouver. La réalité dépassant souvent la fiction, les six passagers avaient tenu le coup. Grace au talent, au courage et au savoir-faire du jeune pilote, un as d’Air France et de sa fiancée hôtesse, ils s’en sont sortis miraculeusement. Après avoir réussi l’exploit de poser le petit avion sur les vagues géantes et à faire sortir de la carlingue les quatre compagnons d’infortune, ils les aidèrent à résister et à espérer durant sept longues heures jusqu’à l’arrivée des secours. Un miracle !
Une couverture de faits divers plus délicate ?
La couverture la plus délicate, difficile et même, à certains égards douloureuse, en dépit de l’indispensable neutralité à conserver dans l’exercice du métier, fut celle d’un procès aux assises de Bastia du massacre particulièrement cruel d’un restaurateur de Corte par certaines de ses anciennes fréquentations. Digne d’un scénario de Quentin Tarantino, cette affaire mêlait ultra-violence, argent, jeu, sentiments amoureux, sexe et politique. Tout le monde se connaissait dans la salle d’audience dont les murs suintaient le chagrin et la haine. Tous des compatriotes…
Comment les médias nationaux s’intéressent-ils à la Corse ?
Ils ne nous ratent jamais en terme de poncifs et de clichés éculés. Le racisme anti-corse demeure, mystérieusement d’ailleurs, en ces temps de conformisme bien pensant. Nous sommes pour de nombreux journalistes français des tricheurs et des fainéants. Mais la plupart des organes de presse parisiens et plus souvent de province, sont malgré tout preneurs d’informations sur l’île lorsqu’elles sont intéressantes et bien présentées.
Comment voyez-vous la Corse d’aujourd’hui ?
La Corse est à un moment décisif de son histoire. Elle est de plus en plus peuplée mais avec de moins en moins de corses car nous ne faisons hélas pas assez d’enfants. Mais ce petit pays où l’on fabrique des pièces d’Airbus, des logiciels pour des sociétés d’autocars d’Australie, des produits agro-alimentaires de très haute qualité, des vins désormais parmi les meilleurs du monde, cette île où l’on obtient des prix littéraires, des distinctions artistiques et scientifiques, offre, notamment grâce à son université, de magnifiques possibilités à sa jeunesse.
la jeunesse corse a-t-elle son destin en main ?
La révolution des moyens d’information peut aider à transformer l’insularité et l’aider à trouver sa place dans la mondialisation. A charge pour les jeunes corses de se prendre en mains, de travailler dur et d’empoigner les responsabilités en oubliant les complexes de supériorité et d’infériorité qui caractérisent souvent les sociétés insulaires. Qu’ils le fassent, comme les y encouragent notamment les initiateurs de fonds d’investissement de proximité, comme Femu Qui! Sinon attention car compte tenu de la démographie corse bien mal en point, d’autres, venus d’ailleurs et souvent sans aucun état d’âme, le feront à leur place.
Quelques mots en corse pour terminer ?
A sperenza, prima chi nasce, ultima à mora!
(C’est l’espoir qui meurt le dernier!)