la Corse qui bouge et entreprend

Globetrotteuse Corse et Coffee Addict

Globetrotteuse, coffee addict, dynamique, et curieuse, les qualificatifs ne manquent pas pour définir Laetitia Natali. Femme aux multiples casquettes, cette entrepreneuse dans l’âme originaire de Corse, se découvre une passion pour le café ! C’est lors d’un tour du monde d’un an que l’idée d’en faire son métier a germé. Rencontre sur Pari(s) sur la Corse.

Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Laetitia Natali, je suis torréfactrice artisanale de cafés de terroir depuis 2015. D’origine Corse, j’ai fondé la marque Café 366.

La Corse c’est…
Toute ma famille paternelle est originaire de Coggia, un petit village des Deux Sorru, à moins d’une heure d’Ajaccio, entre Sagone et Vico. Nous avions la chance que notre village soit à seulement 45 kms d’Ajaccio où nous habitions. J’y ai passé tous les week-end et toutes les vacances jusqu’à mes 18 ans. J’y ai mes meilleurs souvenirs et mes amis d’enfance. La Corse c’est mon socle. Je m’y ressource et je ne me lasse pas de la redécouvrir. Quand j’y vivais je ne me rendais pas compte de la chance que j’avais d’y grandir.

Quand avez-vous quitté la Corse et avec quel objectif ?
A 18 ans après mon bac, j’avais soif d’autre chose et de découverte. Comme beaucoup de mes amis je voulais faire mes études à Nice mais j’avais de la famille à Paris alors c’est là que je suis allée. C’était finalement une bonne chose parce que cela m’a obligée à sortir de ma zone de confort pour la première fois. Il faut croire que j’y ai pris goût puisque j’ai recommencé en 2007 lors de notre tour du monde et plus récemment en plaquant mon boulot pour ma passion !

Justement, quel est votre parcours ?
Je suis arrivée à Paris en 1992 pour suivre un BTS choisi plus par dépit que par réel choix. À 18 ans je ne savais pas vraiment ce que j’avais envie de faire. Diplômée, j’ai commencé à travailler comme chasseuse de tête, fonction que j’ai occupée quelques années à Paris puis à Aix en Provence lorsque mon envie de soleil s’est faite trop pressante. Un premier virage en 2002 vers la communication qui à l’époque me semblait mieux correspondre à ma personnalité et un retour à Paris en 2004. J’ai alors évolué pendant 10 ans dans le milieu de la communication sans vraiment y trouver de satisfaction. Avec le recul je me rends compte que j’ai surtout saisi des opportunités qui se présentaient à ce moment-là en espérant trouver ma voie.

En 2014 après la naissance de mes 2 enfants j’ai décidé qu’il était temps de faire quelque chose que j’avais choisi
C’est alors que le monde du café s’est naturellement révélé à moi. C’était sous mes yeux depuis presque 10 ans et je n’en avais pas pris conscience. Après 2 formations, à la Caféothèque à Paris et au Cirad, Centre de recherche agronomique, à Montpellier et des échanges passionnants avec les acteurs du monde du café, je me suis lancée.

« Aujourd’hui je sais ce que c’est que d’exercer un métier par passion »

Un tour du monde avec comme fil rouge la route du café 
J’ai rencontré Stanislas mon compagnon en 2004. Nous avons tout de suite eu envie de voyager ensemble. Nous avons rapidement parlé d’un tour du monde et avons immédiatement commencé à économiser pour partir. C’est ensuite dessiné le fil rouge de ce voyage sur la route du café. Il s’agit d’un produit omniprésent que nous aimions mais ne connaissions pas. C’était l’occasion de partir à sa rencontre. Nous avons fait l’itinéraire en choisissant des pays ayant un lien historique, culturel et économique avec le café. Nous sommes partis en septembre 2007 pour revenir après 366 jours de voyage dans une quinzaine de pays.

Nous avons rencontré les acteurs, producteurs de la filière
Nous avons commencé par le Yémen, qu’il était encore possible de visiter à l’époque avec l’idée d’aller notamment dans la ville portuaire de Moka (al-Mukha) qui détenait aux 16e et 17e siècles le monopole du commerce du café et qui est devenue une ville fantôme aujourd’hui. Nous avons traversé la mer rouge pour rejoindre l’Ethiopie, le berceau du café via Djibouti. Kenya, Tanzanie, Madagascar puis nous avons volé jusqu’au Brésil. Bolivie, Pérou, de nouveau Brésil à Manaus puis Colombie. Nous avons ensuite remonté toute l’Amérique Centrale jusqu’au Mexique, un petit passage par les Etats-Unis (Las Vegas et San Francisco) pour ensuite passer en Asie et finir le voyage en Indonésie.

Une expérience marquante en dehors des routes touristiques
Dans tous les pays où cela était possible nous avons cherché les zones de plantations pour rencontrer les acteurs de la filière, surtout des producteurs pour qu’ils nous parlent de leur métier mais aussi de leurs vies et de leurs éventuelles difficultés. Ces rencontres nous ont appris beaucoup sur les habitants de tous les pays que nous avons traversés et sur le café bien sûr. Elles nous ont permis de sortir des routes touristiques toutes tracées. Une expérience extraordinaire qui nous a tous les deux beaucoup marquée et qui a été le déclencheur de ce que je fais aujourd’hui.

C’est une boisson que j’ai toujours aimée  
Le tour du monde a été l’occasion de la développer ma passion pour le café. J’ai découvert le café assez tard et, sans en boire des litres, c’est une boisson que j’ai toujours aimée, notamment pour son coté convivial. J’ai un tempérament très sociable et ai toujours apprécié les cafés, les restaurants et les moments partagés entre amis à refaire le monde jusqu’à pas d’heure. Notre voyage m’a permis de découvrir les différentes origines, les variétés, les arômes et de réaliser que c’est un produit beaucoup plus complexe que ce que je croyais et que ce qui était proposé à ce moment-là en France.

C’est à San Francisco que j’ai découvert mon premier Coffee-Shop
Guidée par deux amis de New York, l’une Chef et l’autre chargé de sélectionner les produits du Chelsea Market, et ça a été une révélation ! Mais il me reste encore tellement de choses à apprendre et à découvrir, c’est aussi ce qui me plait.

« Aujourd’hui je peux dire que j’ai trouvé ma voie, je m’éclate vraiment dans ce que je fais ! »

Je torréfie dans un atelier de torréfaction collaboratif du 11e arrondissement de Paris
Je n’ai pas de lieu à moi pour l’instant. Je torréfie toutes les semaines chez The Beans on Fire, un atelier de torréfaction collaboratif du 11e arrondissement. Maria et Andrés, les fondateurs, ont eu la bonne idée de créer ce lieu exactement au moment où je me lançais. Le timing était parfait ! Cela m’a permis de démarrer sans avoir à louer un local et à acheter un torréfacteur. C’est un lieu que nous partageons à plusieurs torréfacteurs, ce qui m’a beaucoup aidé quand j’ai démarré.

« Partager mes doutes et mes interrogations plutôt que de les ressasser seule dans un atelier a été très salvateur à mes débuts »

J’ai besoin de cet esprit collaboratif et de partage
Moi qui ai toujours travaillé en équipe, j’ai besoin de cet esprit collaboratif et de partage. Nous organisons régulièrement des sessions de torréfaction ou de dégustation de café pour faire découvrir en quoi consiste notre travail et il y a de nombreuses personnes intéressées.

Le café s’harmonise avec beaucoup de produits
J’ai également un atelier dans le 19e arrondissement pour entreposer mon matériel et préparer les commandes de mes clients, juste au-dessus de la Brasserie de l’Etre, une brasserie de bières artisanales tenue par des amis. Cela permet des collaborations comme l’élaboration d’une bière au café réalisée à deux reprises, la Triplex Coffea Dementia, une expérience très enrichissante. J’imagine d’ailleurs d’autres collaborations, le café s’harmonise avec beaucoup de produits.

Comment choisissez-vous vos producteurs ?
J’ai toujours été soucieuse de la qualité des produits en général. Quand on a grandi en Corse, on est habitué aux produits artisanaux et bien travaillés. Choisir les cafés de terroir était donc une évidence. Je source mes cafés en les sélectionnant pour leur origine, leurs qualités gustatives mais je suis aussi très attentive aux conditions dans lesquels ils sont cultivés. Je travaille avec des importateurs qui sont également respectueux du travail des producteurs. Il m’arrive également d’importer du café en direct, ce qui a été notamment le cas pour le café d’un producteur colombien rencontré pendant le tour du monde. Je voyage avec les cafés que je travaille mais dès que ce sera possible j’irai rencontrer les producteurs sur place, c’est tellement enrichissant !

« Quand on a grandi en Corse, on est habitué aux produits artisanaux et bien travaillés »

Quelle importance a pour vous l’économie locale ?  
Les régions de production du café étant situées autour de l’équateur je peux intervenir dans l’économie locale uniquement sur la partie vente. Je propose mes cafés aux professionnels (cafés, restaurants, entreprises…) – d’ailleurs avis aux cafés et restaurateurs corses à Paris !  – et aux particuliers notamment le samedi au marché de ma ville (le Pré Saint-Gervais). J’adore ces moments d’échanges avec les clients. En un peu plus de 2 ans j’ai tissé de véritables relations avec tous types de personnes dont beaucoup ont découvert les cafés de terroir avec moi. Et c’est intéressant de voir que leur palais et leurs connaissances se développent en même temps que les miens.

« Je passe beaucoup de temps à expliquer ce que sont les cafés de terroir, comment ils sont cultivés, la torréfaction artisanale. C’est une chose impossible à faire quand on fait ses courses en supermarchés avec des produits standardisés »

Et l’économie sociale et solidaire ? 
Les importateurs avec lesquels je travaille paient les producteurs au juste prix voire au-dessus du prix du marché pour encourager les bonnes pratiques. Certains des cafés que je sélectionne sont issus de coopératives qui permettent aux producteurs d’améliorer leurs conditions de vie. La caféiculture fait vivre de nombreuses familles dans le monde et pour avoir rencontré des producteurs et vu les conditions dans lesquels ils travaillent lors de mon tour du monde, c’est très important pour moi que les producteurs soient rémunérés au juste prix.

Avez-vous un projet que vous souhaiteriez développer en Corse ?  
J’aimerai beaucoup pouvoir retrouver mes cafés dans des épiceries qui valorisent les produits de qualité et le développement durable en Corse. Comme partout, les choses bougent sur l’île et je serais très fière que mes produits soient vendus dans ma région. Je m’intéresse à ce qui se passe sur l’île, j’adorerais mêler les saveurs des cafés que je travaille avec celles de produits qui mettent la Corse à l’honneur comme le chocolat, le cédrat ou la clémentine. La Corse me manque beaucoup et j’y retourne régulièrement, dès que je peux (jamais assez à mon goût) !!!

En savoir plus
Site – cafe366.com
Blog – cafe366.wordpress.com
Facebook – café 366 torréfaction
Instagram – café 366
Contact – contact@cafe366.com
Interview réalisée par Pauline Jagot Lacoussière