Le Bar Jean – Solenzara
Passer d’une aventure en sac à dos face à des millions de téléspectateurs à la gestion d’un restaurant en Corse du Sud, c’est le défi relevé par Julie Rosso et Denis Pierinelli. C’est la tête sur les épaules et les pieds bien ancrés sur terre que ce couple sympathique nous raconte son parcours et le quotidien du métier de restaurateur. Une belle rencontre au sein de leur établissement Le Bar Jean tout juste refait à neuf il y a un mois.
Pouvez-vous vous présenter ?
Nous sommes un jeune couple de restaurateurs et tenons Le Bar Jean à Solenzara depuis 2014. Pour l’anecdote, nous étions aussi finalistes de l’émission Pékin Express en 2013.
La Corse c’est…
Julie – Chez nous, tout simplement. Nous sommes corses et très attachés à notre île, profondément, viscéralement même. On aime la mettre en avant dans notre métier au quotidien. Pour nous le luxe, c’est vivre ici.
Denis – Je pense que même si j’avais été originaire d’une autre région, je serais tombé amoureux de la Corse.
Quels sont vos parcours respectifs ?
Julie – Je suis issue d’une famille de restaurateurs de Porto-Vecchio, ce qui m’a sans doute déjà un peu conditionnée. Côté études j’ai un bac + 6 avec une maîtrise de langues étrangères obtenue à la Sorbonne et un diplôme de journalisme de l’ESJ Paris. Je suis revenue ici à la fin de mes études. J’ai fait des saisons l’été, des extras l’hiver, quelques piges à Corse Matin et j’ai fini par être embauchée chez Oscaro où j’étais principalement en charge des partenariats.
Denis – J’ai une formation de comptable et j’ai travaillé en entreprise pendant 10 ans, en gardant toujours un pied dans la restauration lors de mes congés d’été. Mon oncle était restaurateur, je l’admirais beaucoup étant gamin, il avait bien réussi et gérait plusieurs affaires, j’ai travaillé un peu avec lui. Ça me plaisait et très vite je me suis retrouvé à gérer des affaires, pour 1 semaine d’abord, puis un peu plus.
D’où est venue l’envie de reprendre Le Bar Jean ?
Denis – Nous avons eu la chance de participer à l’aventure Pékin Express en 2013, pendant 45 jours en immersion totale, coupés du monde et sans téléphone. A notre retour, nous étions complétement déboussolés et avons démissionné de nos emplois respectifs. Pour moi, c’était impossible de reprendre un boulot où il fallait rester dans un bureau 8h par jour en sachant ce que le monde offrait à l’extérieur. Je me suis associé à mon oncle qui tenait un restaurant sur le port de Bastia. L’expérience a été difficile, c’était un établissement très touristique le rythme était intense dans une ambiance qui ne me correspondait pas. J’ai donc fini par quitter l’affaire et nous avons cherché une affaire avec Julie, de retour chez nous à Solenzara.
Reprendre un lieu historique au cœur de Solenzara
Jamais nous n’aurions imaginé que ce serait le Bar Jean ! C’est une affaire qui existe depuis 1947 et a été gérée par la même famille pendant 50 ans. C’est là où nous avons passé toutes nos soirées plus jeunes, il y avait un vrai attachement, des tas de souvenirs. Nous sommes partis sur une gérance d’un an avec promesse de vente. Nous nous sommes dit que nous allions tenter l’expérience et qu’au pire nous pourrions toujours faire quelque chose d’autre dans un an si ça ne nous plaisait pas ! Aujourd’hui, nous sommes conscients d’avoir une belle affaire. Nous avons pu créer 3 emplois en CDI et travaillons aussi avec des contrats saisonniers.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face ?
Lorsque nous avons repris l’affaire en 2014, le bar ne proposait plus de restauration depuis 2 ans, il a d’abord fallu réhabituer les locaux. Solenzara reste une petite station balnéaire avec 18 affaires l’été toutes proches les unes des autres. Il fallait se démarquer et faire sa place. Le lieu était assez vétuste aussi, il fallait faire un choix, celui de garder ce côté ancien ou de tout rénover pour en faire quelque chose de plus moderne. Ce que nous avons tâché de faire sans perdre complétement l’esprit du lieu.
Les gens nous connaissaient un peu et nous ne voulions pas décevoir
Nous avions énormément la pression, non seulement parce que nous étions originaires du coin et voulions vraiment bien faire, mais aussi parce que nous venions de participer à l’émission. Les gens nous connaissaient un peu et nous ne voulions pas décevoir. Et puis finalement nous nous sommes rendus compte très vite que ça nous plaisait et étions fiers de ce que l’on faisait.
Quel type de cuisine proposez-vous ?
Du fait maison exclusivement. Nous avons la chance d’avoir un cuisinier très flexible et ouvert à la discussion. Chaque soir nous faisons un point ensemble sur ce qui a plu, les points à améliorer et nous partons faire nos courses le lendemain, comme nous le ferions pour nous. Nous avons par exemple fait réaliser notre pain burger sur-mesure par le boulanger du coin, ce qui n’a pas été évident car il n’avait jamais eu ce type de demande ! Mais après 5 ou 6 essais nous avons fini par trouver la bonne recette. Nous travaillons des produits de saison, locaux, mais nous inspirons aussi de nos voyages. L’été, nous proposons un fish & chips dont la panure est faite à base de bières corses. Nous aimons mélanger les cultures.
Est-ce compliqué de travailler en couple ?
Denis – Au départ, nous sommes partis dans un esprit bar à vin et tapas. Nous étions 2 à tout gérer, je peux vous dire qu’on a testé la solidité de notre couple ! Julie a été très courageuse. Nous souhaitions commencer doucement et évoluer, ne pas prendre de personnel. Il fallait assurer, elle était seule en cuisine avec des services de 60 à 70 personnes et dès qu’elle le pouvait, elle passait en salle. Un vrai challenge !
Julie – Oui c’était l’angoisse, j’avais toujours peur de sentir la frite quand je servais les clients ! Mais on a la chance d’être très complémentaires malgré nos 2 forts caractères. Ça se passe bien, on est très efficaces chacun dans nos parties.
Que vous a apporté l’aventure Pékin Express ?
Cela nous a d’abord appris à relativiser. Lorsque nous sommes revenus en Corse le retour a été très dur, nous sommes restés une semaine enfermé sans sortir. Nous en avions pris plein les yeux pendant 45 jours, nous avions rencontré des gens qui vivaient dans des conditions parfois très difficiles. Nous ne voulions pas rentrer en donneurs de leçons mais c’était bizarre de rentrer et de se plaindre de nos petits bobos en sachant qu’il y a des gens qui font 3km au quotidien pour aller chercher de l’eau. Ça a aussi été un bon test pour notre couple, pendant 45 jours, nous avons tout vécu ensemble, le bon comme le mauvais, ça passe ou ça casse. Ça nous a donné la force de monter une belle affaire. Aujourd’hui ça nous arrive encore de nous disputer en privé, mais quand nous sommes face aux clients, on est sur scène avec un grand sourire.
Comment avez-vous vécu le regard des gens à votre retour ?
Nous avons d’abord réalisé l’engouement autour de l’émission, c’était incroyable, nous ne nous attendions pas à ça. Pour nous, nous n’avions rien fait d’exceptionnel mais beaucoup de gens nous avaient suivis, nous connaissaient, certains faisaient parfois des heures de route pour venir nous rencontrer. C’est vrai que c’est assez irréel comme situation. Mais nous n’avons jamais voulu nous servir de ça pour faire tourner notre restaurant. Même si c’est flatteur d’être reconnu, nous ne voulions pas que les gens viennent pour prendre des photos avec nous mais parce que c’était bon dans l’assiette et qu’ils étaient bien servis ! Mais nous adorons toujours échanger avec les clients, raconter et partager avec eux cette belle aventure.
Une situation cocasse depuis votre retour ?
Nous laissons tout le temps la télé allumée, et à partir d’une certaine heure, on se branche sur une chaîne de musique pour avoir des clips en fond. Un soir de l’été dernier, la chaîne a diffusé par hasard un bêtisier pendant que nous étions affairés dans le resto…Avec des images de nous à Pékin Express ! Les clients n’en revenaient pas de nous voir et à la télé et en salle !
Denis, vous êtes aussi apparu dans la série Mafiosa ?
Oui, à mon retour j’ai été repéré pour la série Mafiosa dans laquelle j’ai obtenu un rôle. Le réalisateur était un autodidacte qui cherchait des profils, de vraies personnes plus que des acteurs. Je me suis retrouvé parachuté sur le tournage, en me demandant ce que je faisais là. On sortait tout juste de l’émission qui n’avait même pas encore était diffusée et je n’en avais pas parlé à mes partenaires de jeu. Je me suis retrouvé à tourner en plateau pendant que l’émission passait à la télé le soir. Certains m’ont vu et on fait le rapprochement, ils ont fini par tous me prendre en main un soir autour d’un grand dîner et ça a brisé la glace. Mais ça reste un univers complétement différent du mien.
Vos conseils pour les entrepreneurs ?
Denis – Travailler dur, c’est le secret. Réaliser que le patron, c‘est celui qui fait 48h dans une journée. Il faut être conscient et objectif sur ça. Et ne pas avoir peur de se planter, il y a toujours une leçon à tirer de ses échecs.
Julie – Etre soi-même, naturel. Pour moi, la restauration, ce n’est pas vendre des tartares ou des tartes aux pommes, c’est vendre 1h de plaisir. Le client n’en a rien à faire de nos problèmes, il vient ici pour oublier les siens. Et c’est ce qu’on lui assure. Une prestation de confort.
En savoir plus
Le Bar Jean – Solenzara – Rn 198
Contact – 04 95 57 42 57
Facebook : Le Bar Jean
Interview réalisée par Chloé Nury