la Corse qui bouge et entreprend

Fotograficasa

A place (to be) de la photographie en Corse. Fotograficasa c’est l’histoire d’une maison abandonnée dans le Cap Corse. Elle est quasiment en ruine quand Rita Scaglia et Pascal Dolémieux, deux amoureux de la photographie et de la Corse décident de l’acquérir. Cette maison c’est un rêve un peu fou qui aboutit sur un lieu d’expérimentations qui favorise la créativité. Un endroit où la transmission et le partage sont les maitres mots. Fotograficasa est une association mais c’est surtout une idée non figée qui se construit au fil du temps et aux grès des expériences. Une maison où les artistes, les passionnés, les curieux, sont les bienvenus. Arrêt sur image sur un lieu d’exception.

La Corse c’est…
La Corse c’est d’abord une chance car au delà de sa beauté évidente et reconnue, elle est une entité, une identité forte et vraie, rassurante dans un monde qui perd ses repères en tentant une globalisation déroutante.

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Quels sont vos liens avec la Corse ?
Comme de nombreux enfants dont les parents étaient devenus des corses du continent, je passais tous mes étés « au village » à Canari ou dans la maison de mon grand père maternel, au dessus de Bastia. Ces départs pour la Corse n’étaient pas anodins, j’attendais ça toute l’année ! Pendant ces moments précieux, mon grand-père, Félix Quilici, musicien et musicologue, a su nous transmettre sa passion pour la culture corse, surtout à travers ses polyphonies et sa poésie.

pascal et ritaVous avez quitté Paris pour vous y installer…
Avec mon mari, Pascal Dolémieux, nous avons fait le choix de vivre en Corse et d’ y « faire » des choses. Quitter Paris et son réseau, quand on est photographe, est un risque professionnel que nous avons accepté de prendre, sans jamais le regretter depuis ! Nous sommes heureux ici, même si côté boulot, c’est plus compliqué.

Vous êtes passionnée de photographie, comment cette passion est-elle née ?
Pour Pascal, comme pour moi, la passion pour la photo a commencé par un attrait et un intérêt pour l’image au sens large du terme. Parallèlement à nos recherches photographiques personnelles, nous avons eu la chance de pouvoir développer cette passion dans des journaux animés par la curiosité, la réflexion, l’enthousiasme et la créativité : Libération pour Pascal et le magazine Actuel pour moi.

Pourquoi avoir choisi de vous installer dans le Cap Corse ?
Mes origines familiales sont surement le point de départ de notre choix géographique en Corse. Et par chance il se trouve que le Cap Corse est à l’image de nos aspirations, soucieux de préserver ses richesses culturelles et naturelles tout en favorisant un développement à échelle humaine.

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Cette région attire t-elle les artistes ? 
Le Cap Corse a souvent attiré les artistes, est-ce parce qu’il a toujours cultivé l’esprit d’ouverture et d’échange avec le monde ? Pour un cap corsin, partir est aussi naturel que revenir !

fotograficasa3Parlez nous de Fotograficasa…
Quand nous avons décidé en 1999 de faire la folie d’acheter une maison abandonnée depuis des années et presqu’en ruine, nous savions dès le début, que ce ne pouvait être que pour y vivre et que cette maison serait bien trop grande et bien trop belle pour n’y abriter que nos propres rêves. Aujourd’hui, cela fait huit ans que nous vivons à Rogliano toute l’année et de façon naturelle, parce que nous sommes photographes, l’idée s’est construite autour de notre activité et du lieu. Ce sont les encouragements de nos amis, qui nous ont poussé à commencer l’aventure Fotograficasa et c’est une idée non figée, qui se construit au fil du temps et au gré des expériences.maison 2

Transmettre et partager….
Notre ancrage local est primordial, c’est notre base, notre force. Transmission, partage, il n’y a pas de hiérarchie dans le déploiement de nos activités et pour nous il est aussi important d’animer un atelier avec des enfants du village que d’accueillir un artiste prestigieux, l’idéal étant bien sur, que les deux se rencontrent. La photographie est une fenêtre ouverte sur le monde, par laquelle on peut regarder dans les deux sens. Modestement, nous avons aussi à cœur de faire découvrir le Cap Corse dans toutes ses nuances, interprété par le regard singulier de photographes au pluriel.

Quelles sont les activités de Fotograficasa ?
Fotograficasa est une toute jeune association, elle a été crée en Mars 2013. Ses activités s’articulent autour de deux pratiques distinctes : l’enseignement et la production d’oeuvres, favorisées par la création en immersion.

flyer slubanQu’est ce qu’une « master class » ? 
Nous proposons des master class d’une semaine, sous la direction de grands photographes : Claudine Doury, Jean Christian Bourcart, Françoise Huguier, Klavdij Sluban, Olivier Culmann … Elles sont ouvertes aussi bien aux amateurs, qu’aux professionnels, sans autre condition que celle d’avoir envie de travailler son écriture photographique. Nous pensons que le mélange des niveaux et les échanges qui en naissent sont une richesse pour chacun des participants. Nous offrons aussi, la possibilité à un jeune de Corse, sélectionné sur dossier, de participer gratuitement à la master class : frais pédagogique et hébergement offerts.

Vous avez créé un prix ?
Oui, un « prix fotograficasa, photographes en résidence », est décerné chaque année par un jury international composé de personnalités du monde de la photographie, à un ou deux photographes ayant un travail déjà avancé et reconnu, sur la base d’une proposition d’un projet photographique sur le Cap.

master class Claudine DouryQue faites-vous de toutes les créations de vos élèves ? 
Les créations réalisées lors des résidences et parfois des master class, viendront enrichir sur le long terme, la constitution d’un fonds photographique sur le Cap Corse.

Transmettre votre passion est l’une de nos missions…
Ces deux activités se prolongent par une mission fondamentale de l’association : la transmission, autant lors d’ateliers de pratique artistique avec les enfants des écoles qu’au travers de la bourse pour jeunes photographes et l’accueil d’étudiants en arts de l’Université de Corse pour leur stage d’étude.

Pratiquez-vous d’autres activités artistiques au sein de la maison ?
Bien que la photographie reste notre fil directeur et notre activité principale, l’association s’octroie la liberté de pratiquer occasionnellement la pluridisciplinarité en faisant la part belle à d’autres expressions artistiques : la musique, avec l’accueil de musiciens en résidence comme : Village Harmony, Méréki des polyphonies géorgienne…Le cinéma, avec la fête du court métrage, en collaboration avec le CNC. La littérature avec l’accueil de Café littéraire, avec l’association Musanostra, mais aussi en organisant, par exemple, un atelier de calligraphie du monde avec les enfants de Macinaghju. On aime l’idée d’animer ! Apprendre à regarder et redonner du sens aux images dans un monde qui en est envahit est une vraie mission.casa

Des artistes sont sélectionnés pour rester un mois en résidence ?
Pour les résidences, après un appel à candidatures, les artistes sont choisis par un jury qualifié et souverain. Les enseignants des master class, les photographes choisis le sont autant pour la force de leur travail photographique que pour leurs qualités pédagogiques de transmission. La qualification de master class n’est pas pour nous une coquetterie de langage mais bien une réalité.

deliberation du juryUne fois sélectionné, quel est leur quotidien ?
Sélectionnés par le jury, à la fois sur un projet photographique lié au Cap Corse et sur la qualité de leurs travaux précédents, les photographes primés ( prix de 3000€ ) sont accueillis pendant une durée d’un mois environ, pour réaliser le projet qu’ils avaient proposés. Déchargés du quotidien, ils peuvent consacrer toute leur énergie à mettre en oeuvre leur projet. Pendant leur séjour, ils animent également un atelier avec les enfants d’une école du Cap et participent à un moment d’échange avec le public, autour de leur travail. Chaque résidence est par essence différente, puisque liée à un projet unique et à une personnalité. Pour cette première édition, nous avons été très étonné de recevoir 68 propositions d’une très grande qualité.

Comment faites-vous connaître leurs travaux ?
La restitution de ce travail donne lieu à une exposition itinérante ainsi qu’à l’édition d’un catalogue et d’un livre d’artiste. Les travaux réalisés lors de ces résidences viennent enrichir la constitution d’un fond photographique sur le Cap Corse.

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Avez-vous développé des partenariats pour faire connaître votre initiative ?
Nous avons la chance de développer actuellement un partenariat avec la prestigieuse Fondation des Treilles, centre d’études du bassin méditerranéen, qui va être une belle occasion d’unir nos points forts et savoir-faire pour organiser des évènements photographiques, dans le bassin méditerranéen.

maison 1Pouvons-nous définir Fotograficasa comme un lieu d’expérimentation qui favorise la créativité ?
Oui, un tel lieu n’a pas de but, si ce n’est celui de favoriser l’expérimentation, c’est un carrefour, un laboratoire, un bateau toujours prêt à partir à l’aventure, un espace à partager. Mais c’est aussi un lieu magique, hors du temps où le travail en immersion favorise l’inspiration et la créativité.

La Corse est-elle une île qui inspire les photographes ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la Corse n’est pas du tout une destination facile pour des photographes, difficile de voir au-delà de cette beauté de carte postale, il manque vite, par exemple, l’odeur des immortelles chauffées au soleil et la qualité du silence. Mais oui, bien sûr, la Corse est une occasion de dépasser les apparences et de se surpasser, un artiste qui travaille sur la Corse doit avoir la capacité de passer à travers le miroir.

La Corse est une terre de culture…
Un projet comme le notre, et beaucoup d’autres, prouve que le tourisme n’est pas la seule alternative au développement de l’île et que la Corse est une terre de culture, qui peut inspirer et offrir une occasion de remettre l’humain et la nature qui l’accueille, au coeur de la société.

De quoi êtes-vous le plus fière depuis la création de Fotograficasa ?
Avoir choisi de privilégier la transmission à travers tous nos projets, celle d’un art et d’un art de vivre sa passion avec les autres. »Enseigner ce n’est pas remplir un vase mais allumer un feu » disait Montaigne. Il y a une infinie satisfaction à voir l’autre imaginer, apprendre, créer, oser. La transmission est avant tout un échange, nous apprenons toujours les uns des autres et comme dit Bapti un stagiaire « C’est au pied du mur qu’on voit le mur et chacun m’a fait la courte échelle ». Nous sommes très contents également que les stagiaires des master class tissent des liens très forts entre eux sur place et restent en contact après.

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Quels sont vos projets de développement ?
Oui, nous avons de nombreux projets et nous sommes encouragés par le travail déjà accompli en à peine deux ans. De nombreux projets que nous essayons de mener à bien, en décuplant l’énergie et l’imagination pour compenser le manque de moyens financiers. Heureusement, la Mairie de Ruglianu est toujours très présente à nos côtés ainsi que le Conseil Général de la Haute-Corse qui nous a apporté son soutien dès le début.En nous unissant et en rassemblant les énergies au travers des partenariats avec d’autres associations, institutions et personnes, partageant les même valeurs, nous espérons bien, ensemble, devenir plus forts, l’union fait la force !

Faire des choses à l’échelle locale et internationale dans un esprit d’ouverture…
C’est dans cette logique que nous organisons en 2016 à la Fondation des Treilles, Centre d’étude du bassin méditerranéen, un séminaire sur l’état de la photographie actuelle, qui réunira une vingtaine de spécialistes mondiaux. Pour nous il est primordial de faire des choses aussi bien à une échelle locale qu’à une échelle internationale dans un esprit d’ouverture cher au monde méditerranéen.

Hortensemathieu lors d une instalationEt avec les 1ers lauréats du prix Fotograficasa ? 

Nous accueillons les premiers lauréats du Prix fotograficasa 2014, Hortense Le Calvez et Mathieu Goussin, qui sont en résidence à la maison du 4 mars au 4 avril et c’est un bel exemple de la magie qui opère ! Ils réalisent des sculptures sous-marines, travail en immersion aussi bien au sens propre que figuré. Les très belles créations d’Hortense sont accrochées ici et là, transformant la maison en atelier coloré. Pour partager ce moment rare et voir les sculptures avant leur immersion temporaire sous la mer, nous organisons une journée porte ouverte samedi 21 mars à partir de 14h. Un photographe japonais, Isao Nishiyama qui voyage dans le monde pour documenter les ateliers d’artistes va être là pour quelques jours, pour photographier Hortense et Mathieu en action dans le Cap. Cette résidence se terminera à l’école de Macinaghju, où Hortense Le Calvez devrait intervenir pour une création avec les enfants. Tout près, très loin, la passion annule les distances et les différences.

lauréatEn savoir plus 
Site internet : www.fotograficasa.com
Page Facebook : ici
Crédits photos : Rita Scaglia, Pascal Dolémieux et Pierre Le Gallo