la Corse qui bouge et entreprend

Un Corse spécial à Montréal

Concevoir une explosion de toutes pièces, réaliser de gigantesques océans ou des incendies dévastateurs, voici le quotidien de Sébastien Tafani, technicien d’effets spéciaux expatrié à Montréal. Passionné par son métier et avide de nouveaux challenges, il nous parle ici de son parcours, de sa vie à l’autre bout du monde et de son implication dans des projets qui maintiennent de nombreux téléspectateurs en haleine à chaque diffusion.

8 Peux-tu te présenter ?
Hello ! Alors pour faire court, je suis un corse de 26 ans originaire de Porto-Vecchio. Je suis technicien d’effets spéciaux numériques autodidacte. Bien qu’ayant suivi une formation dans le webdesign et le Print à l’IUT de Corte, j’ai très vite compris que ma passion résidait dans les CGI (Computer Generated Imagery, qu’on pourrait qualifier d’images de synthèse en français).

La Corse …
C’est un refuge. Malgré ma volonté de toujours vouloir la fuir par la passé pour des raisons d’épanouissement personnel et d’ambition, je réalise à présent qu’elle est le lieu où je peux me ressourcer. Ce que j’aime en Corse, c’est son authenticité. Pour moi elle reste indomptée, sauvage et brute. Dans la vie, c’est primordial de se rappeler que peu importe où l’on se rend, il ne faut jamais oublier d’où l’on vient.

D’où nous écris-tu ?
Je réside actuellement au Canada, à Montréal depuis un peu moins de 6 mois. Difficile de s’habituer à l’hiver glacial  surtout quand on a vécu en Corse la plupart de sa vie.

Montreal-immobilier

Quelle formation as-tu suivie ?
Après l’obtention d’un bac ES au lycée de Porto-Vecchio, j’ai cherché une formation orientée vers la 3D, avec l’idée de pouvoir travailler dans l’univers des jeux vidéo dans un premier temps. Malheureusement une telle formation était (et est toujours) inexistante en Corse. Il fallait pour cela se rendre dans des villes comme Paris ou Montpellier où ce type de cursus coûte cher (18 000 euros sur 3 ans), sans aucune garantie d’obtenir du travail à la sortie.

4J’ai donc fini par me diriger vers l’IUT de Corte
Où j’ai suivi la formation DUT SRC (Service et Réseaux de Communication) suivi d’une licence LPTAIS spécialisée dans les médias numériques. C’est durant cette dernière année que j’ai commencé mon auto formation dans la 3D grâce aux programmes disponibles sur internet.

Quel a été ton parcours ?
J’ai obtenu un poste en tant que CGI Généraliste dans une société bastiaise, Art et Styles, pour laquelle je concevais des salles de bains en images de synthèse. Parallèlement, j’ai profité d’une opportunité pour effectuer de manière bénévole de l’édition d’articles pour un site d’actualité tournant autour de la post production et de l’art numérique appelé IT’S ART. J’ai commencé à interviewer des artistes talentueux travaillant pour de très gros studio de post production (ILM, Dreamworks). Certains sont vite devenus des amis, et parfois même des collègues de travail par la suite.

crescent-streetUn ami m’a recommandé pour un poste à Montréal.
Après avoir quitté mon emploi à Bastia et un long passage à vide, j’ai obtenu un poste sur une publicité pour Cartier pour le studio parisien Cube Creative.  J’ai aussi travaillé en tant que graphiste pour Mavela en Corse. Puis les projets ont commencé à s’enchaîner. L’été dernier, un ami m’a recommandé pour un job à plus long terme dans une grosse société à Montréal appelé RodeoFX, pour travailler sur des films à gros budget. J’ai passé l’entretien et obtenu le poste.

En quoi consiste ton job ?
Mon job consiste à créer numériquement à l’aide d’algorithmes mathématiques des simulations en tout genre : explosions, destructions, océans, fumée etc. En sommes, tout ce qui ne peut pas être produit de manière simple par un humain.

3D effect

Est-ce un métier recherché à l’heure actuelle ?
C’est un métier très recherché un peu partout aux quatre coins du monde et dans certaines villes notamment  les grandes capitales… mais pas en Corse pour l’instant.

Penses-tu qu’il y ait de la place pour ton métier en Corse ?
Pour être franc, je pense que ce n’est pas la place qui manque en Corse. Un de mes rêves les plus chers serait de pouvoirs exercer un jour mon métier chez moi et y fonder mon propre studio de post production. Nous avons tout et nous pouvons tout créer. Nous disposons des mêmes ressources informatiques, des mêmes infrastructures réseaux que le reste du monde. Ce que nous n’avons pas, et c’est bien le malheur de la France de manière générale, ce sont les financements d’investisseurs qui ont la vision de ce que représente en termes de rentabilité un tel business.

La France dispose d’une armée d’artistes hyper compétents.
Il n’y a jamais eu autant de films rentables dans le cinéma depuis l’explosion de la post production numérique dans les années 2000. Si tu veux te faire une idée, regarde les 15 films les plus rentables de l’histoire du cinéma. Il n’y a que des films récents avec des très gros budgets en effets visuels. La France a un gros train de retard par rapport à cela alors que paradoxalement, elle dispose d’une armée d’artistes hyper compétents et contraints de quitter le pays pour devoir travailler. Pour conclure, je dirais donc qu’il y a de la place en Corse pour ce type d’activité à condition d’y importer la demande de l’extérieur.

LISAA-Photo-Etudiants-5

Qu’est ce qui a motivé ta décision de partir vivre à Montréal ?
Principalement l’expérience et la possibilité de travailler en flux tendu sur des projets de grande envergure entouré d’artistes talentueux. Et je dois avouer que je n’ai pas été déçu. Il faut s’accrocher et redoubler d’effort. La ville et le niveau de vie sont également des facteurs très attrayants.

expat_canada_montrealComment est la vie là-bas en tant qu’expatrié ?
Les français y sont très bien intégrés, cependant, les québécois sont tout de même très communautaristes et protège leur culture avec ardeur, ce qu’on ne peut pas leur reprocher. Derrière une façade de civisme, de gentillesse et d’altruisme se cache un très grand individualisme. En effet, il est assez difficile de s’intégrer et de se faire des amis,  en tout cas dans le cadre du travail. Je suis loin d’être le seul à le penser ici. Paradoxalement, les seuls vrais échanges que j’ai ici se font avec d’autres expatriés français.

Sur quels types de projets travailles-tu ?  
Bien que je ne sois pas trop autorisé à en parler, je travaille depuis mon arrivée sur la saison 6 de Game of Thrones. Ensuite je ne sais pas. J’étais prévu sur le film Deadpool lors de mon arrivée dans le studio mais les projets ont changé. J’espère pouvoir travailler sur le prochain film de Luc Besson  » Valerian  » en court de tournage actuellement.

games2

Quelle est la principale difficulté dans ce métier ?
La plus grosse difficulté est de trouver un compromis entre ce que tu veux faire et ce que l’on attend de toi, cela dans les temps impartis par la production pour la réalisation de ta tâche. Souvent tu peux être amené à réaliser quelque chose qui artistiquement ne te conviendra pas du tout. Le client reste roi.

Et ta plus grande satisfaction ?
Ma plus grande satisfaction à l’heure actuelle c’est mon parcours. J’ai eu un parcours assez atypique dans le milieu et une chance énorme. Ma fierté est de me dire que si je suis là, je le dois à ma détermination. Il ne faut jamais abandonner ses rêves. Et prendre soin de son réseau, à mes yeux, c’est 80% de la réussite.

Envisages-tu de revenir en Corse ?
J’envisage de rentrer dans un futur proche mais je pense que je continuerai mes déplacements occasionnels pour le travail. J’ai également des projets à mettre en place sur l’île dans l’avenir, mais chaque chose en son temps.

post productionTes conseils aux futurs entrepreneurs sur l’île et ailleurs ?
Je pense que je suis mal placé pour donner des conseils à qui que ce soit… S’il le faut, c’est un peu cliché mais je dirais « de ne jamais abandonner ses idées et être déterminé à aller jusqu’au bout de ses ambitions ».

Tes projets ?
Essayer d’exercer mon métier tout en me rapprochant un peu plus de chez moi, à Bastia. J’aimerais aussi dans un futur proche essayer de développer un pôle de formation spécialisé dans les activités de post production. Il faut savoir que le panel de métiers que couvre le secteur de la post production est très large et varié. On y trouve des métiers très artistiques et d’autres beaucoup plus techniques.

En savoir plus
Contact : Sebastien Tafani – sebastien.tafani@gmail.com
Site : www.sebastientafani.com
Interview réalisée par Chloe Nury – chloe@cncomms.com – www.cncomms.com
L’amicale des Corses du Québec : ici