BD : Les chasseurs d’âmes corses de Jules Stromboni
Il a un nom de famille corse, a réalisé un album au titre corse, mais il n’est pas le représentant de l’île à ce 24ème festival de la Bande dessinée de Bastia, qui a ouvert ses portes ce jeudi. Avec Mazzeru, Jules Stromboni livre un récit mystique et ancré sur le thème des Mazzeri, ces chamans corses aussi surnommés « les chasseurs d’âmes »… Rencontre sur Pari(s) sur la Corse avec un jeune dessinateur talentueux.
Mon grand père est originaire de Sartène
Jules Stromboni, 34 ans, a vécu à Toulouse, étudié aux Gobelins à Paris et vit aujourd’hui dans les Cévennes. Son grand-père est originaire de la région de Sartène, mais son lien à la Corse aurait pu s’arrêter là : « Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à mes racines familiales, je me suis heurté à un silence, confie Jules Stromboni. Alors, j’ai décidé de faire un album sur le silence. »
C’est ainsi qu’est né, après trois ans de travail, « Mazzeru »
Un album magistral dont Jules Stromboni a signé, pour la première fois, non seulement les images mais aussi le scénario. « Je voulais éviter le récit corso-corse, le folklore, et aller vers quelque chose de plus universel. Ces croyances, on les retrouve partout dans le monde », explique-t-il.
Des rêves prémonitoires
Les croyances en question, ce sont celles qui feraient de certaines personnes des chamanes, des êtres liens avec les forces de la nature et l’au-delà. En Corse, on les appelle « mazzeri » et on les croit capables de voir, dans leurs rêves prémonitoires, la mort prochaine de personnes de leur entourage. « Lorsqu’on m’a parlé des mazzeri, il m’a semblé évident que je devais traiter ce thème, qui en a cristallisé beaucoup d’autres : le silence, l’impuissance, l’ensauvagement… Etre mazzeru, c’est aussi endosser un statut social qu’on vous impose. Nous avons tous un rôle défini par la communauté : est-ce qu’on l’assume ou est-ce qu’on le rejette ? », s’interroge l’auteur.
J’ai utilisé une technique « laborieuse »
Pour traduire le côté sombre de son récit, Jules Stromboni a utilisé une technique qu’il qualifie lui-même de « laborieuse et contraignante » : « J’ai travaillé sur des plaques de plastique, de l’acétate, que j’attaquais au clou. Ensuite, en enduisant ces plaques d’encre, le dessin se révèle. Cela peut provoquer des accidents, mais je voulais voir comment on peut s’arranger de ces accidents », explique Jules Stromboni, qui confie avoir eu des tendinites tellement sa technique de gravure était physique.
Contraste entre « la lumière écrasante et l’ombre qu’elle déploie »
D’accidents, on n’en détecte pourtant pas dans les planches de l’album qui rendent, en noir et blanc, les paysages et l’ambiance de l’île avec une fidélité étonnante. « Je me suis appuyé sur des photos et sur mes souvenirs de la Corse, donc sur une vision forcément morcelée et fantasmée », reconnaît l’auteur. Pour autant, la lumière de l’île l’a aidé à construire un contraste entre « la lumière écrasante et l’ombre qu’elle déploie » pour construire « quelque chose de simple et âpre ».
Il fait parti des vedettes de cette édition 2017 de BD à Bastia
Jules Stromboni est impatient d’avoir l’avis des lecteurs sur cet album sorti ce mercredi 29 mars. « Surtout des lecteurs corses », sourit-il. Et de son premier lecteur corse, son propre grand-père ? « Il a trouvé l’histoire un peu compliquée », confie Jules Stromboni. Cet album ne m’a pas apporté de réponses sur l’histoire de ma famille, mais il m’a permis de construire autour de ce silence. »
En savoir plus
Les oeuvres de Jules Stromboni sont visibles jusqu’au 2 avril au Centre culturel Una Volta, rue César Campinchi, à Bastia, dans le cadre du festival BD à Bastia.
Site – découvrir les BD de Jules Stromboni
Article et interview réalisés par Audrey Chauvet