Agnès Ferreri – L’immortelle au naturel
Bronchites, asthme, eczéma, œdèmes, … Ce n’est pas un marabout qui s’est installé derrière cette pancarte mais Agnès Ferreri, productrice d’immortelle sauvage à Monticellu, en Balagne. Passionnée par cette plante emblématique de la Corse, Agnès Ferreri veut faire découvrir son île aux visiteurs du Salon de l’agriculture à travers ces petites fleurs jaunes aux mille vertus. Rencontre avec Pari(s) sur la Corse.
Comment vous est venue cette passion pour l’immortelle ?
J’ai hérité d’un terrain familial de quatre hectares à Monticellu, entre mer et montagne, orienté plein sud. Beaucoup d’immortelle sauvage y pousse et j’ai toujours adoré l’odeur de cette plante, mais au départ je m’étais plutôt lancée dans la culture de l’olivier. Jusqu’au jour où j’ai rencontré une dame qui pratiquait la médecine chinoise et qui m’a appris qu’on pouvait faire macérer l’immortelle, comme d’autres fleurs, alors que je pensais qu’on ne pouvait que la distiller pour en faire de l’huile essentielle. Parallèlement, des recherches commençaient à démontrer les vertus médicinales de l’immortelle, donc j’ai décidé de m’y consacrer.
Ces vertus n’étaient pas connues ?
Elles l’étaient, mais avaient tendance à être oubliées. En faisant ma petite enquête, j’ai découvert que les femmes corses, dans le temps, faisaient macérer les fleurs d’immortelle recouvertes d’huile d’olive dans des jarres qu’elles enterraient à certaines dates en fonction de la lune. Six mois après, leur produit de beauté était prêt ! La fleur d’immortelle était aussi brûlée pour assainir l’air des maisons et les soldats se fabriquaient des semelles avec l’immortelle pour soigner les ampoules. On cicatrisait aussi les bêtes en écrasant les fleurs directement sur la plaie.
Ce sont ces vieilles recettes que vous avez voulu remettre au goût du jour ?
Oui, même si je ne vais pas enterrer des jarres selon le cycle de la lune ! J’ai remplacé cette macération biodynamique par une macération solaire : il suffit d’avoir de la fleur sauvage, que je ramasse bouton fermé, et de bien la faire sécher. Ensuite, chacun à la maison peut la faire macérer avec de l’huile d’argan, de l’huile d’olive, ou toute autre huile végétale pour se fabriquer un soin démaquillant, cicatrisant et très efficace pour soigner les hématomes. On peut aussi faire de la lotion florale en faisant infuser la fleur avec de l’eau : on filtre ensuite dans une bouteille en verre, on laisse sept jours au réfrigérateur et on obtient un soin qu’on peut utiliser pour les jambes lourdes ou comme tonique pour le visage. L’immortelle est aussi un puissant anti-stress, son odeur peut aider à surmonter des chocs émotionnels.
Les vertus médicinales de l’immortelle ont été étudiées ou démontrées ?
Il y a régulièrement des thèses sur ces vertus, notamment à l’université de Corte. On est encore loin de connaître tous les pouvoirs de la plante. Son effet sur les hématomes est aujourd’hui avéré, on sait aussi qu’elle soigne les artères, les acouphènes, le stress, l’eczéma, l’acné, le psoriasis,… et encore bien d’autres choses qui restent à découvrir !
Comment se passe la récolte d’immortelle ?
Je ramasse environ une tonne et demie de fleurs une fois par an, vers fin mai-début juin. Comme je veux des fleurs dont les boutons sont fermés, afin de conserver toutes les vertus de la plante, je dois récolter un peu avant tout le monde. Et surtout, au lieu d’avoir un mois pour tout ramasser, je n’ai que trois jours parce que le bouton s’ouvre très vite ! Tout se fait à la main, le ramassage, le séchage, la mise en sachets. Mon but n’est pas de fabriquer de l’huile essentielle mais de vendre l’immortelle comme je la ramasse, sous forme de fleur, avec des recettes pour que les gens fassent eux-mêmes leurs produits.
Vous n’avez pas peur que cela donne envie à tout le monde d’aller en cueillir dans la nature ?
L’immortelle est devenue une espèce protégée : la cueillette sauvage est interdite, seuls les gens qui ont des terrains ont le droit de ramasser chez eux. Cette interdiction vient du fait que les gens qui ramassent « sauvagement » ne font pas attention à la plante : ils sont payés au poids donc ils coupent les tiges à ras et ça abîme la plante et notre terroir. Bien sûr, si vous allez dans la campagne et que vous ramassez un petit bouquet, on ne va rien vous dire.
L’immortelle devient aussi une culture prometteuse pour des grands noms de la cosmétique ?
Certains ont acheté des terrains en Corse pour cultiver la plante. Mais je pense qu’une immortelle cultivée n’aura jamais autant de vertus qu’une sauvage !
Il n’y a que la cosmétique qui utilise l’immortelle ?
Non, elle commence à être utilisée dans l’alimentaire aussi. On a appris récemment qu’on pouvait faire une infusion à la fleur d’immortelle et que c’était très bon pour la digestion et les problèmes urinaires. Depuis peu, on trouve de la bière à l’immortelle. On se sert aussi des tiges en cuisine, en l’utilisant comme du laurier dans les plats en sauce.
L’immortelle, c’est aussi l’odeur de la Corse…
C’est l’immortelle qui faisait dire à Napoléon qu’il sentait son pays avant même d’y avoir posé le pied. C’est une plante qui se plaît en Corse car elle a besoin de beaucoup de soleil et qu’elle pousse sur des terrains très pauvres. Mais c’est aussi une plante miraculeuse car même une fois coupée, son odeur persiste pendant des années. C’est pour cela qu’on l’appelle « immortelle ».
Pour vous, la Corse c’est…
Magique, tout simplement ! Nous avons la chance d’avoir la mer et la montagne. Chez moi, en Balagne, je vais à la rivière ou à la plage en 15 minutes. C’est un anti-stress naturel, la Corse ! Je m’estime chanceuse d’y vivre.
Quels sont vos projets autour de l’immortelle ?
Je vends l’immortelle depuis deux ans sur les marchés de Balagne et j’ai maintenant ajouté des codes-barres sur les sachets pour pouvoir les distribuer en pharmacie ou en supermarché. Et je suis actuellement au Salon de l’agriculture pour faire connaître l’immortelle et faire découvrir la Corse par sa nature.
En savoir plus
Contact – agnes.ferreri2b@gmail.com
Rencontrez Agnès au Salon de l’agriculture à Paris.
Porte de Versailles – Paris 15 jusqu’au 5 mars 2017 ou à Monticello en Corse.
Interview réalisée par Audrey Chauvet.
Pour en savoir plus sur cette plante…Une plante réparatrice et régénérante qui fait partie des espèces aromatiques qui donnent au maquis corse son odeur si particulière et caractéristique qui faisait dire à Napoléon qu’il sentait son pays avant même d’y avoir posé le pied !….la suite sur Pari(s) sur la Corse