Interview #59 : Doria Ousset
Doria Ousset est une artiste corse. Elle chante et joue la comédie dans différents styles depuis toujours. Née à Toulouse, c’est dans la ville rose que Doria grandit jusqu’à l’âge de 17 ans. Elle décide ensuite de rejoindre sa famille à Bastia et s’y installe. Descendante d’une famille de chanteurs corses, elle est très sensible au fait de perpétrer les valeurs que les Rocchi lui ont transmises. Artiste aux multiples activités, elle joue dans la troupe d’humoristes I Kongoni, que l’on retrouve depuis peu sur France 3 Corse Via Stella. C’est la chanteuse que nous vous faisons découvrir aujourd’hui sur Pari(s) sur la Corse.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis une femme qui a choisi de s’exprimer par le chant pour défendre ses idées et aborder des thèmes actuels qui sont rares dans la musique corse.
La Corse c’est…
J’ai la « double nationalité » corso-occitane. Je suis née et j’ai grandi à Toulouse puis je suis arrivée en Corse à l’âge de 17 ans. La Corse a d’abord été le pays dans lequel je venais tous les mois d’août en vacances chez mes grands-parents. Aujourd’hui c’est ma terre, mes racines, ma langue, mes convictions, un peuple qui se bat et des idées à défendre.
La musique est-elle un héritage familial ?
Effectivement elle a d’abord été un héritage. Les Rocchi (Charles, Ghjuvansantu, Filippu, Charly, Anna…) m’ont transmis ce chant à défendre et à offrir à mon tour. J’ai baigné dans cet univers, j’ai beaucoup écouté pour m’en imprégner puis un jour j’ai chanté à mon tour. Aujourd’hui c’est devenue ma passion.
Le chant corse est un acte militant.
Mais au-delà du plaisir de chanter, j’ai la chance de pouvoir m’exprimer utilement. Le chant corse n’est pas seulement une mise en avant c’est aussi un acte militant. C’est l’exemple que ma mère , Anna Rocchi, me donne chaque jour et c’est celui que j’ai envi de suivre.
Quelles sont vos sources d’inspirations ?
Nous écoutions beaucoup de musique avec mes parents, dans tous les styles. Pour la musique que j’ai choisi de faire aujourd’hui, je m’inspire d’un mélange étonnant et détonnant de rock comme Noir Désir, Nirvana, Pat Bénatar, The Who, Queen et de chant corse. C’est ma particularité ! Il s’agit des deux musiques qui me prennent aux tripes. Etant incapable de choisir entre les deux, j’ai décidé de les accommoder ! Cela dit le pari de la femme corse qui chante du rock dans sa langue n’était pas gagné. J’ai alors décidé de faire ce qu’il me plaisait plutôt que ce qui allait plaire. Un choix assumé.
Je chante une Corse moderne et féminine.
Je chante une Corse moderne et féminine qui connait et n’oublie pas ses racines et ses traditions. Je pense que sans connaitre ses classiques (messes, chants traditionnels…), nous ne pouvons pas prétendre chanter corse de façon moderne. C’est cette tradition qui alimente ma musique en permanence comme une âme qui flotte au dessus de moi et qui me guide.
Quelles sont les rencontres importantes dans votre carrière ?
J’ai eu la chance de baigner et de fréquenter les groupes mythiques « I Chjami Aghjalesi » et « Canta U Populu Corsu », car ma mère et mon oncle en faisaient partis. Cela a forgé en moi le sens du chant militant. On ne peut pas passer du temps avec Alain Nicoli, Natale Luciani, François-Xavier Prosperi, Paul-Felix Nasica ou encore Ceccè Buteau sans s’imprégner de leurs forces et comprendre qu’à travers le chant, on peut faire passer beaucoup d’idées et s’exprimer sans retenue.
La rencontre avec Fréderic Antonpietri sera décisive.
Plus tard je rencontre Maxime Merlandi qui me prend sous son aile le temps d’une tournée estivale et pour qui je vais nourrir une estime et un respect immense. Un chanteur et musicien hors pair. Enfin la rencontre avec Frédéric Antonpietri dit « Tonton » sera décisive et déterminante dans le choix du style musical que je fais aujourd’hui. Il est celui qui est capable de faire du rock corse (ancienne figure d’I Cantelli) avec une sensibilité nécessaire à l’écriture et à la composition de chansons féminines. Nous formons une bonne équipe et nous somme complémentaires. « Una Riviglia », un titre à découvrir en vidéo : youtu.be/gZHJpySeJ2g
Quel est votre style ?
Je fais du rock corse « Mi Meindl », mi talons aiguilles ! C’est un chant profondément féminin avec des thèmes modernes peu traités chez nous comme le sexe, l’adultère ou l’abandon, mais aussi léger avec des thèmes macagna et beaucoup de second degré et d’auto-dérision. C’est un style qui est aussi engagé avec la transmission et l’espoir.
La polyphonie est un univers plutôt masculin, qu’apportent les femmes à ses chants ?
Quand il sagit de polyphonie ou de chant traditionnel, comme la messe, je pense que chacun doit garder sa place. Ce n’est pas un hasard si les femmes chantaient les nanne, les lamenti, les voceri et que les hommes etaient en charge de la messe et des paghjelle. C’était une question de voix et de vies qui s’adaptaient aux chants. Je connais la polyphonie traditionnelle mais ne chante pas la paghjella ni la messe, par exemple.
Les femmes corses chantent et s’expriment de plus en plus.
Maintenant si l’on parle de polyphonie non traditionnelle, les voix féminines s’adaptent très bien à toutes les chansons. Aujourd’hui les femmes corses chantent et s’expriment de plus en plus ! On commence à sortir du carcan du chant féminin pénible à écouter plus de 2 minutes ! On trouve des créations féminines modernes avec des textes magnifiques et des mélodies qui touchent le coeur des gens.
Des projets ?
J’ai sorti un EP 5 titres « 377 » l’année dernière, téléchargeable gratuitement sur mon site internet . Nous finissons les 7 autres titres qui composeront l’album à paraitre d’ici un ou deux mois. Avec Frédéric Antonpietri et Bernard Ferrari aux mélodies et Patrick Croce, Patrizia Gattaceca, Frédéric Poggi, Hubert Tempête, Frédéric Antonpietri et Bernard Ferrari aux textes. Une tournée est ensuite prévue en Corse. Et s’il l’on arrive à exporter notre chant et notre langue hors de notre île, alors on aura tout gagné !
En savoir plus
Site internet : www.doria-ousset.com
Page Facebook : doria Ousset