la Corse qui bouge et entreprend

Vannina Bernard-Leoni

La Corse tournée vers le Monde 

Vannina Bernard-Leoni

Directrice de la Fondation de l’Université de Corse

vanninaPouvez-vous vous présenter ?
J’ai 35 ans. Je suis née à Bastia où je suis restée jusqu’au bac. Ensuite, le temps de mes études puis de premières belles expériences professionnelles, j’ai un peu bourlingué, me suis posée à Paris et ailleurs, en France et dans le monde… Puis il y a 4 ans, je suis revenue vivre en Corse, où je dirige la Fondation de l’Université.

Votre passion pour la Corse a t-elle influencé votre parcours professionnel ?
Incontestablement oui ! Autant, juste après le bac, j’étais très désireuse de partir découvrir mille nouveaux horizons et je ne pensais pas spécialement rentrer en Corse, autant en définitive, mon rapport à la Corse a guidé de nombreux choix. Par exemple, j’ai fais des études d’italien pour compléter ma corsitude, puis des études de géographie pour décortiquer le lien qui unit une société à son territoire… et quand j’ai décidé d’aller vivre quelques temps au Japon, c’était surtout pour observer la culture de la châtaigne – parce qu’en bonne Orezzinca, c’est quelque chose qui m’importe ! Bref, c’est au fil de ces vagabondages, intellectuels et géographiques, que j’en suis arrivée à créer, la revue transculturelle Fora ! la Corse vers le monde. ça a renouvelé mon rapport à l’île, et quelques années plus tard, j’ai carrément décidé de candidater à l’Université de Corse, sur le poste de directrice de la Fondation qui se créait. J’ai donc quitté Paris pour Corte !

revue foraParlez-nous de cette revue. Quelle était votre ambition en la créant ?
Il y a d’abord eu un constat personnel. Au fil de mes voyages, je me rendais compte que ma corsitude m’aidait à comprendre les autres. C’était d’abord vrai au niveau linguistique, puisque que grâce au corse (et au français et à l’italien) j’ai toujours pu me débrouiller dans toutes les autres langues romanes. Mais c’était vrai aussi sur un plan culturel. Par exemple, lorsque j’ai passé un an au Mexique ou en Italie, ou même plusieurs mois au Japon, je comprenais certains traits de ces différentes sociétés grâce à ma corsitude, à la dialectique qui nous habite entre un patrimoine fort et une modernisation prise en route… Quand j’ai réalisé que cette expérience était partagée par de nombreux Corses, j’ai eu envie de promouvoir et documenter la Corse ouverte vers le monde. J’ai donc crée cette revue pour mettre à chaque numéro la Corse en face d’une autre culture du monde, en puisant dans les sciences humaines et sociales (histoire, anthropologie, sociologie) mais aussi dans le journalisme culturel.

LOGO_UNIV_FundazioneAujourd’hui, vous êtes directrice de la Fondation de l’Université de Corse. A quoi sert cette Fondation ? Pouvez-vous nous en dire plus sur son rôle ?
Les fondations universitaires sont récentes dans le paysage français. Mais leur fonction répond à un besoin diagnostiqué depuis longtemps : la nécessité de rapprocher les universités de leur environnement socio-économique. Et en Corse, c’est bien à cela que je m’emploie : créer du dialogue, du partenariat, du projet entre le monde académique et les acteurs économiques. C’est absolument capital à plusieurs titres. D’abord, au niveau de la formation des étudiants et de leur insertion professionnelle ; ensuite, c’est important au niveau de la recherche, car vu la taille des entreprises sur l’île, il y a très peu de boîtes pourvues de départements de R&D, et c’est très majoritairement du côté des travaux de l’Université que sortent les innovations insulaires. Enfin, c’est une relation stratégique au niveau institutionnel, car cela permet progressivement de changer les représentations sociales de part et d’autres : grâce à des rencontres fréquentes, les chercheurs et les chefs d’entreprises apprennent à se connaître, à se comprendre et à se projeter ensemble. C’est une union sacrée pour le développement de notre territoire.

Des exemples de projets créés et soutenus par la Fondation ?
La Fondation intervient sur trois grands axes : le promotion de l’esprit d’entreprise à l’Université à travers des rencontres étudiants/entrepreneurs, des visites et surtout un Prix de l’entrepreneuriat étudiant ; l’internationalisation des formations en introduisant des enseignements en anglais et en offrant des bourses de mobilité pour effectuer des stages en pays anglophones et la contribution au développement territorial durable en créant des chaires d’excellence sur des sujets cruciaux comme l’aménagement du territoire, l’économie sociale et solidaire ou l’appartenance à la Méditerranée.

fabbricaQuel projet vous a le plus marqué ?  Quel est celui qui a fait preuve le plus de créativité ?
Je crois que notre petit dernier est particulièrement emblématique ! C’est une résidence d’artistes designer qui s’appelle Fabbrica Design. L’objectif est de dynamiser, par la création, notre riche patrimoine de matières premières, de savoir-faire et d’archétypes esthétiques. C’est un projet à l’intersection de la conception et de la production, et donc de l’économie, car la relation entre le designer, les artisans et industriels, les étudiants et chercheurs permettra d’aboutir à la réalisation des prototypes d’objets utiles, élégants et commercialisables. Cette première édition est consacrée au bois. Notre premier lauréat Sébastien Cordoleani est un jeune designer hyper talentueux, distingué à plusieurs reprises (Grand Prix de la Création de la ville de Paris, pensionnaire à la Villa Kujoyama à Kyoto, Grand Prix du concours Audi Talents Awards ainsi que du Grand Prix Design Parade 03 à la Villa Noailles…). On peut dire que ça s’annonce sacrément bien !

Vous êtes au contact de la jeunesse corse. Comment la définiriez-vous ?
En fait, je suis en relation avec plusieurs jeunesses. Les étudiants certes, mais aussi les jeunes actifs. Honnêtement, je connais mieux la seconde catégorie car c’est ma génération. Je peux dire que la physionomie de cette jeunesse corse a beaucoup changé. Elle est beaucoup plus formée, beaucoup plus à cheval entre la Corse et ailleurs. Je note un grand nombre de jeunes corses qui franchissent le pas et rentrent vivre dans l’île. Mais à la différence des années 70 ou 80, où il y avait une forte dimension militante et quasi sacrificielle, aujourd’hui on rentre en Corse pour y mener une vie individuelle et professionnelle épanouissante. Quant aux étudiants je trouve qu’ils sont de plus en plus sensibles à l’entrepreneuriat. On sait tous que la Corse a souffert de l’hégémonie de l’emploi public et des ambitions professionnelles barrées par le rêve d’une « place » dénichée dans telle ou telle collectivité. Ce n’est plus le cas.

On a évoqué la création… Créer en Corse aujourd’hui, le conseillez-vous à un jeune ?
Sans hésiter, si c’est un jeune déterminé ! Il y a beaucoup à faire en Corse et les dispositifs d’accompagnement sont désormais assez nombreux pour qu’il n’y ait rien de kamikaze dans une création d’entreprise en Corse.

Quels sont les atouts de la Corse pour entreprendre ?
La Corse est une marque incroyable, évocatrice de valeurs fortes : authenticité, beauté préservée, caractère… Autant d’éléments monétisables et dans les secteurs les plus variés.

Quels exemples de créations corses vous ont étonné dans le bon sens ?  Ou des succès de corses ?  
Pffff, il y en a beaucoup ! Pour rester sur ces cinq dernières années, je citerais l’essor fulgurant de la filière cosmétique ou de la création et l’essor d’un groupe de start-ups ajacciennes regroupées au sein du Campusplex. Mais j’aimerais aussi citer les succès dans le domaine des industries culturelles et créatives, puisqu’on s’est retrouvé la même année, avec Jérôme Ferrari Prix Goncourt, et Thierry de Peretti, à Cannes pour son film Les Apaches. Ce ne sont pas que les réussites artistiques individuelles.

Le digital, les réseaux sociaux…sont-ils bénéfiques pour le développement de l’économie corse et pour l’avenir des jeunes insulaires ? 
Evidemment ! ça accélère tout et ça désenclave !

Le réseau corse : Est-il existant et toujours efficace ?
Comme le sentiment d’appartenance à la Corse est très fort, ça créé une communauté. Entre gens d’origine corse, quand on se voit, on parle de la Corse et de Corses, ça crée des connexions. Certains groupes entretiennent et étoffent ses connexions. Il y a donc des réseaux, mais pas encore une vraie structuration à mon avis. Voir article sur la diaspora Corse 

campusplexUn corse qui entreprend, qui donne une image dynamique et positive de la Corse pour ma prochaine interview ?
Sébastien Simoni, fondateur de Webzine Maker et de Campusplex !

Pour finir, quelques mots en Corse ?
Demu ci l’avvene !

En savoir plus
Site de la Fondation de l’université de Corse : www.fundazione.univ-corse.fr
Site revue-Fora : www.revue-fora.org